« Peter Brook n´est pas seulement un metteur en scène et pas seulement un théoricien, même pragmatique, du théâtre. Sans l´avouer, du moins dans ce livre, il a de plus grandes ambitions. Le théâtre est pour lui, à coup sûr, une fin. Mais il est aussi le moyen de fonder et d´entretenir une communauté d´hommes et de femmes capables de porter atteinte, par leur seul exemple, à un ordre établi, d´apporter une inquiétude et un bonheur que d´autres arts du spectacle, trop dépendants des forces économiques qu´ils pourraient dénoncer, ne peuvent faire éclore.
Voici un livre indispensable à ceux qui aiment le théâtre et à ceux qui ne l´aiment pas. A ceux qui en font et à ceux qui y assistent. Car il y est autant question du public que des interprètes, acteurs ou metteurs en scène, grâce auxquels le théâtre, écrit ou non écrit, peut vivre.»
Cet ouvrage paraît à l'occasion de l'exposition Beat Generation qui se tiendra au Centre Georges Pompidou du 22 juin au 3 octobre 2016, commissariat Philippe-Alain Michaud.
Comme L'Âge d'or en son temps pour le mouvement surréaliste, Pull My Daisy demeure [...] l'un des rares films à n'avoir pas galvaudé, formellement, l'esprit de liberté qui animait la Beat Generation, tout en en réunissant, avant qu'elle ne se disperse, la fine fleur littéraire, photographique, picturale et musicale poussant à la frontière de la culture américaine. Patrice Rollet Des poètes beat (Allen Ginsberg, Gregory Corso et Peter Orlovsky) ; des peintres (Alfred Leslie, Larry Rivers, Alice Neal) ; une comédienne française débutante qui se fait appeler Beltiane (Delphine Seyrig, un an avant L'Année dernière à Marienbad) ; un marchand d'art qui joue le rôle d'un évêque (Richard Bellamy) ; une danseuse (Sally Gross) ; un musicien (David Amram) et un photographe (Robert Frank, qui commençait à être connu pour ses images des Américains)... Puis l'immense Jack Kerouac, auteur d'une pièce dont le troisième acte donnera sa trame au film, qui improvisera un commentaire sur les images déjà tournées et montées. Mélange étrange. Voici Pull My Daisy, film-culte de la Beat Generation.
Depuis 1959, le film a une réputation à tenir : spontané, non planifié, non dirigé, improvisé, dont le couronnement est ce commentaire intense et poétique de Kerouac, scandé de sa voix si profonde et si mélodieuse (« Personne ne peut déclamer la langue comme les poètes peuvent le faire », dira de lui Alfred Leslie). Même si l'on sait que, d'une manière ou d'une autre, Pull My Daisy a été planifié et dirigé par ses deux réalisateurs, Alfred Leslie et Robert Frank, on se demande comment discipliner de tels acteurs... David Amram se souviendra que Robert Frank tentait de faire sérieusement son travail, mais tous essayaient de le faire rire, et aussi que les indications de jeu données par Alfred Leslie étaient couvertes par le vacarme de la bande... C'est peut-être là que se situe la « spontanéité » qui transparaît dans Pull My Daisy.
John Cohen, à qui Robert Frank avait demandé de prendre des photographies du tournage, a été le témoin de ces journées passées à « cueillir la pâquerette » et ses splendides images rayonnent d'une joie communicative.
Une introduction de Patrice Rollet et un texte de présentation de Pull My Daisy par Jack Sargeant, ainsi que deux entretiens qu'il a menés avec Alfred Leslie et Robert Frank complètent la première traduction française du génial commentaire improvisé par Kerouac.