L'essayiste Youssef Ishaghpour a publié en 2001 un Orson Welles en trois volumes qui est resté depuis un livre de référence. Au moment de sa mort en octobre 2021, il préparait depuis 20 ans un monumental ouvrage sur les films de Jean-Luc Godard, lui aussi disparu moins d'un an plus tard. Voici donc cette encyclopédie où l'auteur rend compte, film après film, de l'importance du cinéaste franco-suisse. On y apprend donc à voir mais aussi à penser le cinéma, puisque que toute l'oeuvre de Godard n'est qu'une vaste réflexion sur l'image, sur le cinématographe et sur ce qu'est la fiction.
Dans sa première rencontre avec le cinéma de Kiarostami, le public européen découvrait un Iran profond : une vision contemplative, donc à distance, célébrant l'enfance et les villages, la vie dans un présent intemporel, comme intouchée par l'existence moderne.
Complexe dans cette apparente simplicité, l'oeuvre d'Abbas Kiarostami connaîtra une transformation radicale. Il n'est plus alors un réalisateur «?iranien?», mais un cinéaste et photographe international. Animé par l'intranquillité qui l'engage à prendre la route, il semble être partout chez lui, avec le même détachement esthétique, sa sérénité, sa disponibilité, son ouverture.
Ce livre reprend et rassemble les deux ouvrages de l'auteur sur l'oeuvre de Kiarostami publiés en 2001 et 2012. Il comprend un dialogue avec le réalisateur et photographe.
Dans sa généralité, l'existence du cinéma pose un certain nombre de questions théoriques qui sont abordées dans la seconde partie de l'ouvrage.
Mais le cinéma est d'abord, essentiellement, un ensemble ouvert de possibilités, créées et réalisées par les oeuvres d'art cinématographiques qui exigent d'être envisagées, ne serait-ce que de manière très schématique, dans leur diversité historique.
Dans ce parcours rapide, il ne s'agit pas d'un « catalogue », d'une volonté de « tout dire », de « nommer » beaucoup de réalisateurs et de films.
Mais de « dire le tout », de donner une vision d'ensemble à la fois analytique et synthétique du cinéma, d'un point de vue historique et esthétique, depuis la formation de l'expression cinématographique jusqu'au cinéma contemporain.
« Le premier tome, synthétique, analyse la modernité de Welles et s'achève avant qu'il ne débute au cinéma[...].
Ishaghpour y montre comment le cinéma a été le terrain sur lequel les grands enjeux et les révolutions de l'histoire de l'art se sont manifestés, en accéléré.
Mais aussi, par son approche érudite de l'histoire, de la politique et de la société, de la philosophie et du cinéma, Ishaghpour identifie la constellation gravitant autour de chaque film, et souligne chez Welles son historicité, non seulement par rapport à l'Histoire mais aussi par rapport au cinéma. Le second tome est consacré aux «films de la période américaine» du cinéaste, d'abord accueilli par Hollywood et ses producteurs, puis désavoué pour cela même qui faisait la grandeur shakespearienne de ses films - la liberté de son exercice créateur. Enfin, le troisième tome aborde «les films de la période nomade», dans lesquels Welles, conscient de l'identité du cinéma comme oeuvre et marchandise à la fois, radicalise son propos sur le faux de l'image. Ishaghpour définit la modernité d'Orson Welles à partir de l'idée que celui- ci fut le «premier réalisateur qui soit arrivé à l'image en partant de la parole». Le parlant, et le son en général, sont en effet le noyau sur lequel s'est construit le cinéma de Welles qui, en dissociant mots et choses, réalité de l'image et image de la réalité (maintenues jusqu'alors dans une unité illusoire par le cinéma classique) a rendu la «caméra visible», introduisant la réflexivité et la modernité au cinéma. »
À l'écoute de ce qui est à l'oeuvre dans Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, ce dialogue, entre le créateur et le critique, est une approche esthétique, philosophique et historique de ses conditions de possibilités et de ce qui y a accédé à la forme : le cinéma dans le siècle et le siècle dans le cinéma, impliquant le tout de l'homme du xxe siècle, de l'imaginaire de ses salles obscures, de l'horreur réelle de ses désastres, à ses tentatives de rédemption par l'art.