Le cinéaste Jean-Luc Godard est mort le 13 septembre 2022. Il avait publié sept livres aux éditions P.O.L, dont six livres de « phrases » qui proviennent de ses six films éponymes : JLG/JLG, autoportrait de décembre (1996), For Ever Mozart (1996), Allemagne neuf zéro (1998), 2 x 50 ans de cinéma français avec Anne- Marie Miéville (1998), Les enfants jouent à la Russie (1998), et Éloge de l'amour (2001).
Ce volume exceptionnel reprend en format poche l'intégralité de ces six livres construits avec ce qui se dit, se pense dans ces films. C'est le « découpage dialogué » de chaque film : succession de phrases, d'aphorismes, sentences, histoires brèves, citations, qui font littéralement lever les images, les bruits, la musique des films, et en font résonner la parole heurtée. Pour Godard, phraser, c'était jouer en mettant en évidence - par des respirations - le développement d'une ligne mélodique. « Ce sont des sons et des phrases, qui correspondent à un type de diction, le mien », expliquait-il.
« Le montage de citations, d'aphorismes godardiens et d'incidentes extraites du déroulement des films font de JLG/JLG et For Ever Mozart, les livres, des oeuvres à part entière, distinctes des films qui leur ont donné naissance. [...] Chacun y trouvera ou retrouvera, au détour d'une colonne, quelques très indispensables détonateurs de la pensée - ne serait-ce que, dans JLG/JLG, l'admirable réflexion sur l'Europe, la culture et l'art. ».
Le Monde, 6 décembre 1996
J.-L. Godard a regroupé les articles parus dans le magazine«Les cahiers du cinéma»fondés par André Bazin en 1951.
«Et si la mort de Puig et du Négus, la mort du capitaine de Boïeldieu, la mort du petit lapin ont été inaudibles, c'est que la vie n'a jamais redonné aux films ce qu'elle leur avait volé. Et que l'oubli de l'extermination fait partie de l'extermination. Voilà presque cinquante ans que, dans le noir, le peuple des salles obscures brûle de l'imaginaire pour réchauffer du réel. Maintenant celui-ci se venge et veut de vraies larmes et du vrai sang. Mais de Vienne à Madrid, de Siodmak à Capra, de Paris à Los Angeles et Moscou, de Renoir à Malraux et Dovjenko, les grands réalisateurs de fiction ont été incapables de contrôler la vengeance qu'ils avaient vingt fois mise en scène. [...] Oui, mais l'histoire. Au fond, qu'est-ce que c'est ? Tout au fond. Malraux : nous sentions tous que l'enjeu appartenait à un domaine plus obscur que le domaine politique. Braudel : qu'on mesure la foule de ceux qui nient leur misère. Le nombre de ces coeurs qui veulent être eux-mêmes, vivre de leur vie malgré tout. Comme si notre vie était à nous. Hélas, à notre disposition. Et cet enfoiré de Cioran : rien de ce que nous savons ne reste sans expiation. Nous payons chèrement, tôt ou tard, n'importe quel courage de la pensée ou indiscrétion de l'esprit. Et le jeune Péguy : ah, l'histoire ! une sombre fidélité pour les choses tombées. Qu'arrive-t-il toujours, mon ami ? Le soir tombe. Les vacances finissent. Il me faut une journée pour faire l'histoire d'une seconde. Il me faut une année pour faire l'histoire d'une minute. [...] On peut tout faire, excepté l'histoire de ce que l'on fait.»
après les années cahiers (1950-1959) durant lesquelles jean-luc godard fit ses premières armes de critique aux cahiers du cinéma, les années karina couvrent la première période créatrice du célèbre metteur en scène.
epouse de jean-luc godard, anna karina va jouer dans la plupart de ses films tournés entre 1960 et 1967 : le petit soldat (1964), une femme est une femme (1961), vivre sa vie (1962), bande à part (1964), une femme mariée (1964), pierrot le fou (1965). il y aura aussi le mépris (1963), avec brigitte bardot, et tant d'autres films encore. ce volume contient des entretiens avec godard parus dans les cahiers et dans d'autres revues (dont un entretien avec j.-m.g.
le clézio par exemple), ainsi que des articles qui permettent d'évaluer aujourd'hui ce que furent ces sept années dans la vie de jean-luc godard.
Tandis qu'est présenté au festival de Cannes dans la sélection " Un certain regard " son nouveau film : Film Socialisme, Jean-Luc Godard en publie les dialogues avec figures d'auteurs.
Les trois dialogues entre Marguerite Duras et Jean-Luc Godard réunis dans ce volume constituent une parenthèse ouverte en octobre?1979 (premier dialogue, à l'occasion du tournage du film de Godard Sauve qui peut (la vie)) puis septembre ou octobre?1980 (second dialogue, pour un projet de film sur l'inceste) et refermée en décembre?1987 (troisième dialogue, pour l'émission de télévision «?Océaniques?»). Il s'agit à la fois, entre l'écrivain et le cinéaste, d'un rapport de fond et d'une histoire circonscrite. Godard dit, dans un entretien de 1997, qu'il a connu Duras «?pendant deux ou trois ans?», formule qui rappelle le titre de son film, Deux ou trois choses que je sais d'elle. Pendant quelques années, ils se croisent et échangent «?deux ou trois choses?» qui les aident à penser?: leur seconde rencontre a lieu après la publication par l'un et l'autre de recueils de réflexions sur le cinéma, Duras avec Les Yeux verts, Godard avec Introduction à une véritable histoire du cinéma. On retrouve dans leurs dialogues à peu près tout ce qui traverse ces livres?: la question des relations entre l'écrit et l'image, de la représentation de ce qui est jugé irreprésentable (à des titres différents, les camps de concentration et l'inceste), des considérations sur l'enfance ou sur la télévision. On y retrouve aussi une même passion profonde, une manière de faire littéralement corps avec leur médium, d'en parler avec un lyrisme fulgurant entrecoupé de remarques sèchement ironiques, portés par une conviction qui leur fait parcourir l'histoire, convoquant tour à tour Moïse, Rousseau, Faulkner ou Sartre. [...] Ces trois dialogues enserrent aussi un autre échange. Dans les années 1980, Godard revient à un cinéma plus visible, après dix années d'oeuvres militantes et d'essais vidéo, à l'écart des circuits classiques de distribution?: il connaît alors «?une deuxième vie dans le cinéma?». Simultanément, Duras revient à une écriture séparée de la réalisation de films, après plus de dix années de textes majoritairement liés au cinéma. Le succès littéraire de L'Amant (1984) correspond à la fin de son activité de cinéaste?: elle réalise son dernier film, Les Enfants, en 1985. C'est au moment de ces changements qu'ils se rencontrent, Godard venant interroger l'écrivain qu'il dit n'avoir jamais pu être, et Duras se confronter à celui qui est pour elle «?le plus grand catalyseur du cinéma mondial?», le plus grand créateur d'un art qu'elle s'apprête à quitter et dont elle n'aura pas acclamé beaucoup de noms. L'un comme l'autre ignorent d'ailleurs presque totalement, au fil de leurs dialogues, les cinéastes qui partagent la même interrogation croisée des mots et des images?: Philippe Garrel et Jean Eustache sont rapidement évoqués par Godard dans la conversation de 1987, mais ni Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, ni Chantal Akerman ou Hans-Jürgen Syberberg. Il y a là un signe de leur splendide isolement, en même temps que d'un reflux esthétique. Le temps des grandes oeuvres cinématographiques fondées sur des disjonctions radicales de l'image et du son est en train de s'achever, seuls Godard et les Straub poursuivant le chemin jusqu'à aujourd'hui. La parenthèse que constituent ces dialogues entre Marguerite Duras et Jean-Luc Godard coïncide avec le moment de reflux de ces oeuvres. Elle est aussi l'un des témoignages les plus forts de la réflexion qui les portait. Cyril Béghin
À l'écoute de ce qui est à l'oeuvre dans Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard, ce dialogue, entre le créateur et le critique, est une approche esthétique, philosophique et historique de ses conditions de possibilités et de ce qui y a accédé à la forme : le cinéma dans le siècle et le siècle dans le cinéma, impliquant le tout de l'homme du xxe siècle, de l'imaginaire de ses salles obscures, de l'horreur réelle de ses désastres, à ses tentatives de rédemption par l'art.
Prenant pour point de départ une photographie de l'actrice Jane Fonda au Vietnam, Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin offrent une réflexion sur le rôle des intellectuels dans le processus révolutionnaire. Parue en 1972 dans la revue Tel Quel, cette Lettre à Jane, à présent rééditée par Alfredo Jaar, se lit également aujourd'hui comme l'un des textes testamentaires du Groupe Dziga Vertov.
Lettre à Jane fut publié à l'origine en 1972 par Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Gorin dans la revue littéraire française d'avant-garde Tel Quel, sous forme de lettre adressée à Jane Fonda, dans laquelle Godard et Gorin évoquent une image de l'actrice figurant dans l'article Retour de Hanoï, publié cet été-là par L'Express. Les deux cinéastes décidèrent d'utiliser cette image pour promouvoir leur film Tout va bien, où figurait la star, sorti la même année. Cette lettre servit également de trame à un court métrage, Letter to Jane, dont les auteurs assurèrent les commentaires et qui fut diffusé en post-scriptum à Tout va bien.
Voir aussi Pier Paolo Pasolini : The Ashes of Gramsci ; John Cage : Other People Think (édités par Alfredo Jaar).
À près de dix années de distance (1979-1987), Marguerite Duras et Jean-Luc Godard poursuivent une conversation sur leurs pratiques de la littérature et du cinéma, et sur les relations qu'entretiennent (ou non) ces formes d'expression respectives. Transcriptions inédites, présentées par Cyril Beghin (sous réserve).