«?Mille heures de conversation, on parle, et à la fin il n'y a presque rien. Il y a peut-être un mot qui tient. C'est aussi comme ça qu'on travaille. On imagine une scène avec Ventura ou Vanda ou Vitalina, on s'y met, on répète?: Vanda parle de sa mère, Vitalina de son mari, Ventura de lui-même. Il faut commencer par raconter. On reprend et il faut beaucoup jeter. On enlève, on condense. Ne parle pas du chien cette fois, reviens au moment où il venait chez toi... Et on arrive à ce qu'il faut ».
Pedro Costa
«?Le cinéma ne peut pas être l'équivalent de la lettre d'amour ou de la musique des pauvres. Il ne peut plus être l'art qui simplement rend aux humbles la richesse sensible de leur monde. Il lui faut se séparer, consentir à n'être que la surface où cherche à se chiffrer en figures nouvelles l'expérience de ceux qui ont été relégués à la marge des circulations économiques et des trajectoires sociales. Il faut que cette surface accueille la scission qui sépare le portrait et le tableau, la chronique et la tragédie, la réciprocité et la fêlure. Un art doit se faire à la place d'un autre. La grandeur de Pedro Costa est d'accepter et de refuser en même temps cette altération, de faire en même temps le cinéma du possible et celui de l'impossible.?» - Jacques Rancière.
Ce livre rassemble d'abord cinq textes consacrés par Jacques Rancière au cinéma de Pedro Costa, puis des conversations entre le philosophe et Cyril Neyrat autour de moments choisis des films du cinéaste?; enfin, des discussions publiques entre Jacques Rancière et Pedro Costa, au Musée Reina Sofia de Madrid, à l'Institut français de Barcelone et à Lille (manifestation «?Cité Philo?»).
Tabou n'est pas seulement un très beau film. C'est aussi une oeuvre d'une grande portée théorique et historique, qui éclaire la situation contemporaine du septième art. C'est enfin le produit d'une peu commune aventure de cinéma.
Autant de raisons de passer trois jours à Lisbonne, en compagnie de Miguel Gomes et de quelques-uns de ses acolytes : le chef opérateur Rui Poças et son assistante Lisa Persson, l'ingénieur du son Vasco Pimentel et enfin le producteur du film, Luís Urbano. Trois jours de conversations à bâtons rompus. Entre récit de l'aventure, analyse du film, et toutes sortes de digressions.